Monstre-Moi

performance

par Tristana Denis

édition du FACT : 2022

Les trois dernières années qui ont précédé ma transition ont été décisives.

De cette vie assignée pendant vingt ans, je n’en récupère pas grand-chose, à part ces mots que j’avais écrits depuis l’exutoire d’une écriture automatique. J’y composais quotidiennement un raisonnement, pour à la fois énoncer le système d’exclusion et de compression dans lequel mon corps était imbriqué et pour en trouver les clefs d’émancipation.

Au moment où j’écrivais, j’étais, sans le savoir, empêchée d’être moi-même par mon environnement.

Ces mots font le récit de ce cheminement de survie, de la vulnérabilité de mon corps en permanence attaqué. Je me souviens d’elle, dans l’endurance et la douleur de cet exercice quotidien, avec beaucoup de tendresse.

Je vais créer un dialogue, depuis ma voix d’aujourd’hui, avec celle qui logeait derrière les murs de sa propre peau. À l’époque au masculin, j’ai fait le choix, pour faire vivre ce texte, de genrer au neutre tous les accords à la première personne.

C’est important à savoir : il n’y a pas un seul de ces mots que j’avais écrits en conscience de ma transidentité ou de mon intersexuation. J’avançais dans mon écriture par une écoute intuitive de mon corps, d’images et de perceptions que je retranscrivais avec des mots, comme une simple traduction, un cumul de premiers jets.

Le texte cartographique qui dénoue ce nœud de violence se nomme Monstre-moi. Écrit entre 2018 et 2020, j’en ai recueilli une trentaine de pages, sur une centaine au départ, que je performe depuis 2022 sur des boucles sonores de ma composition.